Let my culture blow away : octobre 2021

Vous vous rappelez quand je parlais de lectures plus gaies pour ce mois d’octobre ? Hahaha, la naïveté de la jeunesse… comme octobre c’est le mois de Halloween, de l’automne qui s’installe, du changement d’heure et de l’arrivée du rhume dans nos contrées nasales, je me suis dit que trop de légèreté risquait de faire trop tâche et j’en suis restée à mes bonnes vieilles habitudes : inceste, détournement de mineures, racisme, patriarcat et plein de gens qui meurent de manière générale.

Allez, viendez on va bien s’amuser !

Le plus super-héroïque

 

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Alors qu’Alfred a été kidnappé et que Catwoman monte peu à peu les échelons de la mafia, Batman se retrouve piégé par le cerveau derrière cette machination qui le pousse à bout. Au plus fort de cette attaque, il voit ses repaires aux quatre coins de la ville vidés de leur arsenal !

 

Suite et fin de cette saga Batman commencée le mois dernier, dans la droite ligne de La Cour des Hiboux. Pas grand-chose de plus à en dire qu’en septembre (ah oui, ici il faut avoir de la mémoire !), on apprécie toujours autant les intrigues foisonnantes, le rythme qui ne faiblit pas et un Batman qui douille plus souvent qu’à son tour.

Les amateurs du genre seront plus que satisfaits !

 

 

Le plus autobiographique

 

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C’est l’histoire d’une grande famille qui aime débattre, rire et danser, qui aime le soleil et l’été.

C’est le récit incandescent d’une femme qui ose enfin raconter ce qui a longtemps fait taire la familia grande.

 

On rentre assez rapidement dans le vif du sujet des lectures joyeuses et légères avec l’autobiographie de Camille Kouchner dans laquelle elle révèle l’inceste dont a été victime son frère jumeau de la part de leur beau-père pendant une partie de son adolescence.

Si c’est cette partie qui a fait le plus de bruit (fort logiquement), elle n’apparaît que tardivement dans le roman. La Familia Grande est avant tout le portrait saisissant d’une certaine gauche héritière des idéologies soixante-huitardes et appartenant à une élite politique et intellectuelle qui brille de milles éclats aux yeux de ses enfants.

Les premières pages sont un tel panégyrique que j’ai failli abandonner, persuadée que j’allais décéder dans d’atroces souffrances si je devais me taper 200 pages sur le mode « Notre famille la plus belle, la meilleure, la plus géniale, la plus extraordinaire et je vous pisse tous à la raie bande de gueux ».

Heureusement pour moi et tous ceux qui m’aiment et à qui je manquerais atrocement, l’auteure nuance rapidement son portrait, par petites touches, et révèle les manques affectifs, les petites humiliations et la solitude qui se cachent derrière les apparences plus brillantes qu’un strass Swarovski.

C’est ces fêlures qui font la force de ce livre.

Quand arrive l’inceste, on change encore de registre puisqu’à l’égoïsme, la vanité et l’orgueil se mêlent à présent le déni et la lâcheté. Camille Kouchner montre avec brio que l’inceste, contrairement aux idées reçues, est destructeur de toute la cellule familiale et pas seulement de l’incestué. Comment se construire dans le silence, la manipulation et la culpabilité, même et surtout lorsqu’on n’est pas directement victime ?

Pour les habitués des ouvrages sur les crimes sexuels, la réaction des proches ne sera pas une surprise : soutien à l’incesteur, décrédibilisation de la parole des victimes, déni, rupture des relations avec le « perturbateur » qui ose casser l’image de perfection dont on se gargarise…

Un livre court mais nécessaire qui doit être lu par le plus grand nombre pour comprendre ce crime dont on nie encore trop la gravité : l’inceste.

 

 

Le plus féministe

 

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Elle a trente ans, elle est professeur, mariée à un  » cadre « , mère de deux enfants. Elle habite un appartement agréable. Pourtant, c’est une femme gelée. C’est-à-dire que, comme des milliers d’autres femmes, elle a senti l’élan, la curiosité, toute une force heureuse présente en elle se figer au fil des jours entre les courses, le dîner à préparer, le bain des enfants, son travail d’enseignante. Tout ce que l’on dit être la condition  » normale  » d’une femme.

 

Et un autre roman tout en douceur et légèreté ! Après l’inceste, place à la charge mentale version Dracofeu.

La femme gelée est la biographie d’une femme anonyme, de son enfance à sa trentaine. De son éducation libéré des stéréotypes de genre à son âge adulte « fort heureusement » rattrapé par ce que doivent être les « devoirs naturels » des hommes et des femmes.

Annie Ernaux dresse le portrait glaçant de réalisme de la vie d’une femme petite-bourgeoise hétérosexuelle dans un couple « traditionnel ». Même avec un haut niveau d’études, même avec des parents défiant les schémas classiques, même avec un mari soi-disant ouvert d’esprit, même même même, une lente glissade s’accomplit. Aux petits compromis succèdent les grands abandons, le manque de compréhension fait contrepoids au silence, les modèles sociétaux « traditionnels » finissent toujours par s’imposer par fatigue, lassitude ou manque de légitimité.

L’amour est le seul désir valable auquel les femmes peuvent prétendre. L’argent, l’intelligence, un travail valorisant n’ont aucun intérêt s’il n’y a pas un homme pour venir saloper la lunette de nos toilettes en allant pisser à 3h du matin.

Sans parler des « valeurs bourgeoises » qui semblent pousser les tâches domestiques à se créer d’elles-mêmes afin de maintenir les femmes à leur vrai place : l’intérieur de la maison. Passer des heures à faire reluire les boutons de porte c’est autant de temps qu’elles ne passeront pas à lire, aller au cinéma, se promener, discuter avec des inconnus ou toutes ces activités néo-féministes qui mènent à l’effondrement de notre civilisation.

(pour confirmer que j’ai ma part dans le déclin de la société française : je n’ai jamais lavé de bouton de porte de ma vie. Jamais. Même pas par accident)

Un roman qui m’a secouée car, même si les mentalités évoluent, je me suis reconnue dans de nombreuses situations. Un livre qui interroge avec force et intelligence les chemins différents que l’on trace encore, consciemment ou non, pour les garçons et les filles.

 

Le plus inclusif

 

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Nadege Beausson-Diagne – Mata Gabin – Maïmouna Gueye – Eye Haïdara – Rachel Khan – Aïssa Maïga – Sara Martins – Marie-Philomène NGA – Sabine Pakora – Firmine Richard – Sonia Rolland – Magaajyia Silberfeld – Shirley Souagnon – Assa Sylla – Karidja Touré – France Zobda

Stéréotypes, racisme et diversité : 16 actrices témoignent

 

Après l’inceste et la misogynie crasse, on va causer racisme, c’est important d’apporter un peu de légèreté dans ce monde de brutes !

16 actrices noires ou métisses racontent leur expérience dans la grande famille du cinéma français, une famille qui ferait passer celle de Camille Kouchner pour un modèle d’équilibre psychologique.

Je vous spoile direct la fin : notre cinéma est raciste. Que ce soit avec des personnages racisés inexistants ou cantonnés à des rôles stéréotypés (au hasard : la Prostituée, le Délinquant, la Femme de Ménage ou le Terroriste), il n’est pas tendre pour les acteurs et actrices ayant une carnation plus foncée qu’une retraité de la Côte d’Azur.

Mais ces 16 témoignages apportent 16 visions différentes sur le sujet. S’ils se rejoignent sur de nombreux points (notamment le besoin urgent d’un cinéma plus représentatif de la réalité de la société française qui proposerait des modèles un poil plus variés que prostituée/délinquant à toute une partie de notre jeunesse), ils diffèrent suffisamment sur les parcours et les ressentis pour maintenir l’intérêt et la réflexion du lecteur tout au long des 130 pages.

Intelligent, pertinent et très bien écrit, il pose les bases d’une réflexion nécessaire sur ce que l’on choisit de montrer ou non à l’écran et l’influence qu’exercent les différents médias sur notre inconscient collectif.

Oui parce qu’il faut arrêter avec le mythe du « C’est que de la fiction », le cinéma, la télévision et la littérature sont des éléments essentiels de nos représentations collectives. Nier qu’Hollywood est le moteur numéro 1 du soft power américain et le chantre d’une représentation individualiste et ultralibérale du monde est au mieux naïf, au pire totalement débile. Si les Chinois investissent de plus en plus dans la production cinématographique américaine c’est bien parce qu’ils sont conscient de toute la puissance qu’on retire à représenter au plus grand nombre une certaine manière de vivre et de penser. Il n’y a donc rien de neutre ou d’innocent à présenter systématiquement les Noirs comme des délinquants ou des femmes de ménage et les Arabes comme des terroristes.

 

 

Le plus Suisse

 

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Le pâturage abandonné de Sasseneire est-il vraiment maudit comme le croient les anciens ? Quelques bergers incrédules, pour s’en assurer, décident d’y conduire le troupeau. La montagne leur réserve sa
terrible réponse. Dans ce roman qui tient de l’étude de mœurs et de l’épopée tragique, Ramuz, avec virtuosité, passe insensiblement du sourire à l’inquiétude, de l’inquiétude à l’horreur…

 

Pour les esprits chafouins qui croiraient que les Suisses ne sont là que pour ruiner nos huitièmes de finale, bousiller nos finances à coup d’exil fiscal et envahir nos assiettes à coup de gruyère râpé, ce roman est là pour prouver que les préjugés c’est mal.

Entre deux traites de vaches dans leurs belles montagnes, il leur arrive de trouver le temps (et l’encre) pour rédiger un roman sur la traite des vaches en montagne (mais avec des malédictions dedans pour que ça ne soit pas trop introspectif).

La Grande Peur dans la Montagne joue la carte du fantastique old school tout en atmosphère et sous-entendu. On ne saura jamais vraiment ce qu’affronte ces hommes dans ce pâturage maudit, ce qui contribue au sentiment d’angoisse diffus qui imprègne ces pages.

Sans être effrayant (le côté Grande Peur dans la Montagne est peut-être un poil exagéré), ce roman offre une ambiance malaisante réussie et une lecture du terroir que les amateurs du genre apprécieront.

(surtout s’ils aiment le gruyère, l’exil fiscal et les défaites absolument INJUSTIFIEES durant des compétitions internationales)

 

 

Le plus émouvant

 

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Une nuit, Kazuhiro Kubota, père de famille et employé surmené, percute un jeune motard, Takuya Onodéra.
L’un meurt rapidement, l’autre survit miraculeusement. Lorsque Takuya sort du coma, sa famille découvre, déconcertée, que non seulement il souffre d’amnésie, mais qu’il semble aussi avoir changé de personnalité… La conscience de Kazuhiro Kubota vient de se réveiller dans le corps du jeune homme, comme si une ultime occasion de comprendre ce qui comptait réellement dans sa vie lui était offerte. Mais le temps presse : Takuya retrouve sa mémoire petit à petit, tandis que l’esprit de Kazuhiro tente de reprendre contact avec sa famille.
Et la cohabitation des deux âmes dans un seul corps s’annonce difficile.

 

Je suis obligée de reconnaître ma légère déception sur ce roman graphique dont on m’avait dit énormément de bien.

(le revers malheureux de la hype)

Les notes sur LivrAddict étaient dithyrambiques et parlaient du « meilleur livre de l’auteur », « un pur bijou » et autre « une vraie merveille » alors forcément, j’avais des attentes de la taille de l’égo d’Elon Musk.

Le pire c’est que j’ai du mal à dire ce qui « cloche » vraiment… les dessins sont de qualité, le sujet offre un joli moment cocooning plein d’émotions sur les priorités qui devraient être les nôtres en tant qu’être humain et la psychologie des personnages principaux est bien travaillé, nous offrant une vision de la société japonaise plus douce et nuancée que ce à quoi l’on est habitué.

Je pense sincèrement que si je n’avais pas lu autant de hype autour de ce roman mes attentes auraient été plus mesurées et j’aurais plus apprécié ma lecture.

(du coup ma déception est un joli cadeau que je vous fais, j’accepte le paiement en remerciements dans les commentaires)

 

 

Le plus glacial

 

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L’Antarctique. Froid, désert, rien que de la neige et de la glace sur des kilomètres et des kilomètres. Carrie Stetko est un Marshal américain et la banquise est devenue sa maison. Elle a trouvé dans son immensité un endroit où elle peut oublier son passé troublé et se sentir en paix… Jusqu’à ce que quelqu’un commette un meurtre dans sa juridiction et brise le calme qui régnait. Le meurtrier est un homme parmi cinq étalés sur le continent et il a d’autres raisons de se cacher que ce meurtre. Plusieurs morceaux de glaces ont été prélevés autour du corps et la profondeur des forages signifie que quelque chose a été enlevé. C’est là que Lily Sharpe entre en scène : un agent du gouvernement britannique qui veut découvrir ce qui est si important pour justifier la mort d’un homme. Mais est-ce que les deux femmes sont prêtes à découvrir les secrets et les traîtrises qui se cachent au cœur de cette situation ?

 

Peu de choses à dire sur ce polar qui fait honnêtement son job. Si l’intrigue est solide on ne va pas nier que toute son originalité tient à sa localisation (vous vous plaignez de notre été pourri ? Attendez de passer deux heures dans la riante Antarctique), surtout dans son deuxième tome qui voit un retour de la Guerre Froide au sens propre.

Sans révolutionner le monde du roman graphique, Whiteout nous offre un agréable moment de lecture avec des personnages bien campés, un graphisme solide, une intrigue qui tient le route et suffisamment de neige dedans pour nous donner l’impression d’être déjà à Noël.

 

 

Le plus enfantin

 

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Printemps 1945. Pour fuir les Allemands, Pietro, un orphelin de dix ans rêveur et débrouillard, quitte précipitamment le couvent où il était caché, près de Venise. Avec lui, un petit groupe hétéroclite : Dario, son meilleur ami, Maurizia et sa sœur cadette Ada, deux vieilles dames juives, et Elvira, une jeune religieuse, aussi suspecte que belle, qui tient un journal et dont le récit alterne avec celui de Pietro. Traqués par les nazis, ils reçoivent l’aide d’un pêcheur et d’un frère énergique. Karl, un déserteur allemand dissimulant un lourd secret, les rejoint.
Leur folle équipée les conduira au-devant de partisans et fascistes désorientés. Une véritable épopée, où, si les hommes et les lieux sont chargés de défiance et de terreur, une lueur de bonté réussit, de temps en temps, à percer les ténèbres.

 

Comme je trouvais toutes ces histoires de racisme, de misogynie et d’inceste un peu trop plombantes moralement je me suis dis « Et si on s’offrait un petit roman sur la Deuxième Guerre Mondiale pour décompresser un peu ? Et puis c’est raconté du point de vue d’un enfant, ça peut que être mignon ! ».

Bon, la guerre ça reste dégueulasse que ce soit raconté par un gamin d’une dizaine d’années, par un soldat, une résistante ou E.T. qui veut juste téléphone maison.

Si le concept narratif du roman (la guerre racontée par un enfant de 10 ans avec le contrepoids d’une deuxième narratrice adulte) fonctionne bien dans les premiers chapitres, il finit par se prendre les pieds dans le tapis et laisser un vague sentiment d’ennui.

Si le regard enfantin est particulièrement bien rendu dans toute sa truculence, son incapacité à appréhender pleinement les évènements qui l’entourent finit par créer une distance émotionnel entre le lecteur et l’histoire, un comble au vu de la gravité du sujet !

Pietro ne pouvant pas ressentir vraiment la gravité de ce qu’il se passe, comment le lecteur est-il sensé y parvenir à sa place ?

Cette déconnexion émotionnelle finit par laisser un vague sentiment d’ennui et de désintérêt alors que l’intrigue (la fuite face aux Nazis à quelques jours de la Libération) a théoriquement de quoi tenir éveillé le narcoleptique le plus endurci.

Heureusement les traits d’humour loufoques de Pietro nous arrachent souvent un sourire et sauve l’ensemble.

(ah, vous voyez qu’on peut lire un roman sur la Deuxième Guerre Mondiale pour décompresser un peu !)

 

 

Le plus révoltant

 

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Au milieu des années 80, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. À treize ans, dans un dîner, elle rencontre G., un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses œillades énamourées et l’attention qu’il lui porte. Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin « impérieux » de la revoir. Omniprésent, passionné, G. parvient à la rassurer : il l’aime et ne lui fera aucun mal. Alors qu’elle vient d’avoir quatorze ans, V. s’offre à lui corps et âme. Les menaces de la brigade des mineurs renforcent cette idylle dangereusement romanesque. Mais la désillusion est terrible quand V. comprend que G. collectionne depuis toujours les amours avec des adolescentes, et pratique le tourisme sexuel dans des pays où les mineurs sont vulnérables. Derrière les apparences flatteuses de l’homme de lettres, se cache un prédateur, couvert par une partie du milieu littéraire. V. tente de s’arracher à l’emprise qu’il exerce sur elle, tandis qu’il s’apprête à raconter leur histoire dans un roman. Après leur rupture, le calvaire continue, car l’écrivain ne cesse de réactiver la souffrance de V. à coup de publications et de harcèlement.
« Depuis tant d’années, mes rêves sont peuplés de meurtres et de vengeance. Jusqu’au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence : prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre », écrit-elle en préambule de ce récit libérateur.

 

Est-ce que c’est vraiment la peine que je fasse une énième blague sur la légèreté de mes lectures en ce moment ? Non, mais je le ferais quand même parce que je suis aussi lourde que les livres que je lis.

(et puis de toute façon vous êtes ici chez moi alors je fais ce que je veux !)

Comme le thème des violences sexuelles n’en finit pas de m’inspirer, je ne pouvais pas passer à côté du livre de Vanessa Springora qui a fait beaucoup de bruit l’année dernière. Elle y raconte sa « liaison » (j’ai beaucoup de mal avec ce mot mais soit) avec Gabriel Matzneff alors qu’elle a 14 ans et lui 50.

A l’époque le monde littéraire semblait découvrir éberlué les penchants pédophiles du monsieur, qui a pourtant écrit et publié de nombreux journaux intimes dans lesquels il parle des viols qu’il commet sur des enfants pauvres à Manille et de ses « liaisons » avec de jeunes adolescentes françaises.

(rappelons ce petit extrait d’Apostrophe qui date de 1990 pour les chanceuses qui seraient passées à côté. Rendons quand même hommage à Denis Bombardier qui a été la seule à l’ouvrir quand tout le monde se gaussait de ces gamines de 14 ans sodomisées par ce grand écrivain)

Vanessa Springora nous livre ici une parole importante, celle de ces victimes que l’on a refusé d’écouter pendant trop longtemps.

(une autre « amante » de Matzneff avait déjà voulu publier un livre sur son « histoire » avec lui mais les maisons d’édition avait refusé le manuscrit à l’époque pour ne pas froisser le monsieur)

Les prédateurs comme Matzneff se cache derrière les arguments de l’amour fou et sur le silence de leur victime (qui ne dit mot consent après tout, et si elles avaient été si malheureuses elles en aurait parlé, non ?), c’est pourquoi qu’il est si important que des femmes parlent et que nous soyons là pour les écouter.

Il n’y a pas de manichéisme ici, V. reconnait le pouvoir d’attraction qu’exerce sur elle Matzneff.  Plaire à un homme élégant, séduisant, cultivé et un auteur publié de surcroit !, pour une jeune fille abandonné par un père violent et élevée dans le culte de l’Artiste, cet Etre Supérieur, c’est presque trop beau pour être vrai.

Mais que vaut le consentement d’une adolescente de 14 ans, n’ayant aucune expérience des relations amoureuses, face à un homme ayant plus de trois fois son âge et habitué à manipuler les plus jeunes pour obtenir ce qu’il veut ?

Que vaut le consentement d’une enfant quand l’adulte la prive peu à peu de tout lien avec l’extérieur tout en cherchant à l’endoctriner de toutes les manières possibles « Rien n’est plus beau que l’amour d’un adulte pour un enfant » ?

Je me suis reconnue dans cette jeune fille totalement dépourvue de confiance en elle et prête à tout pour plaire et se sentir valorisée via le regard des autres. J’aurais pu être à sa place, j’aurais pu être elle. J’aurais pu moi aussi croiser le chemin d’un homme plus âgé capable d’utiliser mes faiblesses pour faire de moi un objet sexuel sensé rebooster un égo défaillant.

Le Consentement m’a happée par son écriture fluide mais distante, comme désincarnée, qui rendait encore plus horribles certains détails du livre. Une lecture difficile mais nécessaire sur les relations abusives qui doit nous pousser à une réflexion sur la notion de consentement quand elle s’applique à des mineurs.

 

 

Le plus nordique

 

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Le ministre des Affaires étrangères est sauvagement assassiné en pleins ébats sadiques avec une prostituée et les autorités redoutent un acte terroriste. L’inspecteur Joona Linna a purgé deux ans de sa peine dans une prison de haute sécurité lorsqu’il est conduit à une réunion secrète dans une aile inconnue de l’établissement. Au fond du couloir, deux agents de la Säpo sont postés devant une porte. Quand il découvre la personne qui l’attend de l’autre côté, Joona n’en croit pas ses yeux. Le Premier ministre se lève et lui dit : cette rencontre n’a jamais eu lieu.

 

Je déteste commencer une série par un tome du milieu MAIS je déteste encore plus ne pas réussir à terminer un challenge, je crache donc sur mon premier principe plus vite que Lucky Luke afin de réussir le second, j’ai la vie d’un candidat à la présidentielle.

Dans le cadre du challenge « Connaître son binôme » je devais lire un livre avec un lapin sur la couverture. J’ai donc tapé « livre lapin couverture » sur Google (qui depuis me propose des publicités pour des couvertures roses avec des lapins cousus dessus et des recettes de civet, on n’arrête pas le progrès) et, entre deux aventures de Jojo le lapin qui a peur dur noir, je suis tombée sur ce sixième tome des enquêtes de Joona Linna, un enquêteur finlandais qui bosse en Suède.

(Zemmour est déjà sur le coup pour le rebaptiser Corinne)

Visiblement il lui est arrivé plein de choses avant vu que le bougre commence ce tome en prison (c’est ça quand on embauche des étrangers, Zemmour aurait pu le lui dire) mais il est « libéré » le temps de mener l’enquête sur un tueur en série des plus sadiques, c’est ça qu’on veut !

Le Chasseur de Lapins m’a agréablement surprise et donnée envie de lire les autres tomes des aventures policières d’un Finlandais chez les Suédois. C’est bien ficelé, le lecteur ne s’ennuie pas même quand l’identité de l’assassin est révélée une centaine de pages avant la fin. J’ai eu peur, je me suis dis « Ah, bah de quoi ils vont me causer pendant encore 117 pages et demi ? » mais c’était bien mal connaître le talent des Suédois puisque la dernière partie est la plus haletante.

On y retrouve tous les ingrédients d’un bon thriller avec des meurtres cruels, un enquêteur aux fissures nombreuses (au moins autant que des les toilettes d’une école publique), des fausses pistes et des secrets qui n’en seront plus à la fin du roman.

Une lecture efficace pour les amateurs du genre.

 

 

Le plus Sudiste

 

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924, Caroline du Sud. Trois femmes à la croisée des chemins.

Alors que la région se remet encore de l’infestation de charançons qui a dévasté les plantations et l’économie, Gertrude, une mère de quatre enfants, doit prendre une décision immorale pour sauver ses filles de la famine et échapper à la mort aux mains d’un mari violent. Retta navigue dans un monde difficile en tant qu’esclave affranchie de première génération, toujours employée par les Coles qui ont autrefois été propriétaires de sa famille. Annie, la matriarche de la famille Coles, doit faire face à la terrible vérité qui a déchiré sa famille. Ces trois femmes n’ont apparemment rien en commun ; elles sont pourtant liées par les terribles injustices qui sévissent depuis longtemps dans leur petite ville et auxquelles elles décident de faire face.

 

Encore une (légère) déception suite à des critiques trop positives.

Le Chant de nos Filles suit trois femmes dans le Sud américain, une Blanche pauvre, une Blanche riche et une Noire pauvre domestique de la deuxième. Chacune affronte ses propres démons nés de la misogynie de l’époque (et un peu du racisme mais pas trop heureusement).

Si la plume est fluide et se lit facilement, l’histoire manque de profondeur et succombe à certaines facilités. Le racisme c’est mal mais le personnage noire n’est quand même là que pour aider et protéger les Blanches même quand c’est contraire à son intérêt.

Certains développements sont prévisibles et les personnages peuvent être très agaçants quand ils s’y mettent (mention spéciale à Annie et à sa plongée dans l’auto-apitoiement qui m’a donnée des envies de meurtre alors même que c’est aussi une de mes activités préférées).

Rien de bien transcendant sous le soleil donc.

 

 

Le plus décevant

 

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« Pour faire simple, le féminisme est un mouvement qui vise à mettre fin au sexisme, à l’exploitation et à l’oppression sexistes. » Ainsi débute cette efficace et accessible introduction à la théorie féministe, écrite par l’une de ses figures les plus influentes, la militante noire-américaine bell hooks.

Conçu pour pouvoir être lu par tout le monde, ce livre répond de manière simple et argumentée à la question « qu’est-ce que le féminisme ? », en soulignant l’importance du mouvement féministe aujourd’hui. Ce petit guide, à mettre entre toutes les mains, nous invite à rechercher des alternatives à la culture patriarcale, raciste et homophobe, et à bâtir ainsi un avenir différent.

 

Ca me fait beaucoup de mal de dire ça parce que j’attendais la lecture de mon premier essai de bell hooks avec impatience mais j’ai été très déçue par cette lecture.

S’il aborde les fondamentaux du féminisme inclusif, une conception que je partage avec l’auteure, il est bien trop succinct et aurait mérité de développer et d’affiner plus souvent ces arguments et ces concepts. On les connaît quand on a déjà une certaine culture féministe mais pour des débutants ça peut être frustrant.

Ce qui m’a également profondément dérangé ce sont les approximations et le manque de sources de l’auteure. Sa principale source pour confirmer ses dires est… un de ses propres ouvrages. Avoir une auteure qui appuie ses affirmations en se basant sur ses propres propos, c’est quand même un poil dérangeant et limité, d’un point de vue purement « intellectuel ».

« J’ai raison puisque je dis déjà dans mon ouvrage précédent que j’ai raison. »

De manière générale, cet essai est truffé d’approximations et ne se base sur aucune donnée chiffrée de quelque nature que ce soit : « une grande partie des hommes », « la majorité des femmes » ou « une petite poignée d’entre eux », nous n’aurons rien de plus précis à nous mettre sous la dent.

Ca peut faire la blague pour un premier essai sur le thème mais c’est frustrant quand on est habitué à un travail factuellement plus solide.

Sans parler du fait que, publié en France 20 ans après sa rédaction, certains arguments ont pris un petit coup de vieux…

Vu les critiques mitigées que j’ai entendu sur son dernier essai All about love, je ne suis pas sûre de lire un autre essai de cette auteure.

 

 

Le plus ensorcelant

 

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Fille de l’esclave Abena violée par un marin anglais à bord d’un vaisseau négrier, Tituba, née à la Barbade, est initiée aux pouvoirs surnaturels par Man Yaya, guérisseuse et faiseuse de sorts.
Son mariage avec John Indien l’entraîne à Boston, puis au village de Salem au service du pasteur Parris. C’est dans l’atmosphère hystérique de cette petite communauté puritaine qu’a lieu le célèbre procès des sorcières de Salem en 1692. Tituba est arrêtée, oubliée dans sa prison jusqu’à l’amnistie générale qui survient deux ans plus tard. Là s’arrête l’histoire. Maryse Condé la réhabilite, l’arrache à cet oubli auquel elle avait été condamnée, et, pour finir, la ramène à son pays natal, la Barbade au temps des Nègres marrons et des premières révoltes d’esclaves.

 

Pour qui a regardé la série Salem sur Netflix, Tituba n’est pas un personnage inconnu. Accusée de sorcellerie au même titre que Sarah Good, Sarah Osbourne et plus d’une vingtaine d’autres, elle a longtemps été l’oubliée de l’histoire officielle du fait de son statut d’esclave.

Maryse Condé décide de lui rendre justice en en faisant le personnage principal de ce roman poétique. Plus qu’un livre sur la fameuse « Chasse aux sorcières de Salem », c’est un hymne à la liberté, à l’indépendance d’esprit et aux cultures caribéennes que nous offre l’auteure.

Dénonciation de toutes les formes d’oppression (religieuses, raciales, patriarcales et colonialistes), cette lecture nous offre un magnifique portrait de femme libre et imparfaite.

Une très belle lecture qui nous fait voyager et nous offre une autre interprétation de cette épisode historique qui alimente encore maintenant notre imagination collective.

 

 

Le plus féérique

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Panam, dans les années 1880 : les humains ont repris depuis longtemps la main sur les Peuples Anciens. Sylvo Sylvain a posé son havresac dans la rue Farfadet, gouailleuse à souhait. Il exerce la profession exaltante de détective privé et les affaires sont nombreuses ! Des adultères, des maris jaloux, des épouses trompées, etc. Ni très rémunérateur, ni très glorieux… Alors, Sylvo fréquente assidûment les bars et les lieux de plaisir en tout genre où son charme envoûte ces dames… Jusqu’au jour où lors d’un banale enquête de routine il se trouve mêlé à une machination dépassant l’entendement. Le voilà, bien malgré lui, chargé de l’affaire par l’un des trois puissants ducs de Panam. Saura-t-il tirer son épingle de ce jeu compliqué et dangereux ?

 

Comme dit plus haut, je n’ai plus aucune conviction ni aucun amour-propre quand il s’agit de valider des consignes de challenge littéraire qui ne m’apporteront rien à part la certitude d’avoir validé des consignes de challenges littéraires. C’est pour ça que je me suis retrouvée avec un livre de fantasy en main alors que je n’ai aucun goût particulier pour la fantasy.

Premier tome d’une saga qui met en scène Sylvo Sylvain, elfe et détective privé de son état, dans un Paris steampunké, ce premier tome possède quelques atouts et autant de défauts.

En points positifs on peut noter un univers riche et original qui détourne habilement la géographie parisienne pour créer son Paname littéraire, un style fluide qui se lit facilement et un humour qui fera mouche (ou pas toujours mais au moins on essaie).

Le gros point négatif est assez commun aux premiers tomes de série : une intrigue longuette au rythme trop inégal. Comme il faut présenter tout un univers imaginaire ayant son propre contexte social et historique, l’introduction prend forcément du temps et les digressions sont nécessaires pour expliquer qui, que, quoi et où. Ca donne une histoire au démarrage très loin et à l’intrigue policière somme toute basique.

Comme la fantasy c’est toujours pas mon truc (en tout cas jusqu’au prochain challenge qui me demandera d’en lire), je ne pense pas continuer cette série mais les amateurs du genre devraient être plus que satisfaits.

 

 

Le plus tueur

 

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Vous pensez que Rhiannon est simplement cette jeune assistante éditoriale, un peu terne et effacée, pas bien jolie, celle que personne ne remarque au bureau? Souvenez-vous, elle a fait la une des journaux il y a une vingtaine d’années : cette enfant, seule survivante d’un massacre chez sa nourrice, c’était elle! Toutes les télés en ont parlé et ont diffusé les images de cette gosse terrifiée par plusieurs jours de séquestration. Depuis, Rhiannon a grandi, s’est «reconstruite», comme on dit : un job, un petit copain, des amis qui parlent mariage et fringues, tout semble normal. Mais le soir, Rhiannon n’est plus la même : elle écume les sites de rencontres sur Internet, se balade dans les coins malfamés de la ville, drague certains types louches. Et, secrètement, elle fait des listes de «gens à tuer» : depuis le caissier de Lidl qui l’a fait attendre, jusqu’au chauffard qui a failli la renverser, tous ne méritent qu’une chose : sa vengeance. Vous croyez qu’elle plaisante, vous avez tort !

 

Rhiannon est en couple avec un abruti (mais n’est-ce pas le lot de la majorité des femmes ?), se farcit un travail de merde (mais n’est-ce pas le lot de la majorité des travailleurs ?), a vécu une enfance traumatisante (mais n’est-ce pas le lot de tous ceux qui ont eu une enfance ?) et a des relations pourries avec sa sœur (mais n’est-ce pas le lot de tout ceux qui veulent faire des économies à Noël ?). Heureusement, Rhiannon a un passe-temps qui lui permet de libérer la pression : elle tue des gens.

Serial-killeuse est un petit bijou d’humour noir qui fonctionne merveilleusement pour les amateurs du genre. On a même frôlé le coup de cœur tant j’ai adoré l’amoralité assumée du personnage principal qui ne s’excuse jamais de vouloir tuer tout le monde.

(surtout que, bon, la majorité le mérite quand même)

Malheureusement un twist aux trois-quarts du livre et les rebondissements plus convenus qui en découlent ont un peu douché mon enthousiasme…

Il en reste quand même un très bon thriller qui en fera rire plus d’un.e, à l’intrigue bien ficelée qui se lit facilement et ajoute en plus quelques touches féministes bienvenues.

 

 

Le plus sanglant

 

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Wausau. Une petite ville en apparence tranquille du Wisconsin. Mais depuis que les morts reviennent à la vie, la cohabitation entre les uns et les autres n’est pas chose aisée. Surtout pour l’officier de police Dana Cypress chargée de gérer la présence des médias, de fanatiques religieux et même d’agences gouvernementales. Et lorsqu’un assassinat particulièrement violent est commis, l’enquête s’avère plus que délicate. D’autant plus que tout le monde est suspect, vivants comme morts-vivants…

 

J’ai découvert cette série en lisant Tony Chu, détective cannibale dont un épisode se faisait en crossover avec Revival. Comme je comprends vite tant qu’on m’explique longtemps, je me suis enfin décidée à lire Revival parce que c’est l’automne, Halloween et que j’ai de toute façon rien d’autre à foutre.

Et ce fut une excellente surprise ! Les dessins sont de qualité et l’intrigue, originale et bien troussée, fonctionne à blinde. A part le dernier tome qui propose une conclusion un peu trop hâtive, les éléments s’enchaînent avec logique et fluidité. Plus qu’une histoire de zombies, les auteurs nous offrent le portrait d’une petite communauté, en apparence soudée, qui voit sa cohésion de façade exploser face à l’apparition d’un phénomène surnaturel.

Fanatisme religieux, conspirationnisme, dérive autoritaire ou extrémisme politique, le danger ne vient pas uniquement des Ranimés mais bien de ce qu’ils réveillent chez les vivants. Mêlant ainsi argument fantastique et réalisme (pour ceux qui ont vécu le Covid, nombre de réactions vous rappelleront certains évènements récents), les auteurs nous livrent une histoire complexe, passionnante et sanglante qui vaut son pesant de tripes en chocolat.

8 commentaires sur “Let my culture blow away : octobre 2021

  1. Et ben dis donc ! Effectivement, c’est pas très gai, tout ça !
    La plupart de ces lectures ne sont pas du tout pour moi (même si je reconnais leur intérêt), mais je retiens quand même Rue Farfadet (car la fantasy steampunk, c’est tout à fait mon truc) et Serial Killeuse (car l’humour noir, c’est mon truc aussi). 😉

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  2. Effectivement tu as fait le plein de joie et de bonheur en octobre 😆
    Je me note Revival et Whiteout, Rue Farfadet est déjà dans ma WL. Pour novembre, tu reprends un peu de dépression et de dégoût, ou tu passes directement aux lectures mielleuses de Noël? ^^

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    1. Ah mais je fais partie de ces gens persuadés qu’on n’a jamais assez de dépression et de dégoût ! J’ai d’ailleurs fini ce weekend un livre sur le traitement judiciaire de l’inceste et la pédophilie… Je ne te dis que ça mais en terme de dégoût on n’était pas mal !

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